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auraient été un appoint si précieux au point de vue national, si elles s’étaient déployées dans un milieu favorable à leur développement au lieu d’aller se perdre dans le grand tout américain.

Quel immense avantage pour l’élément français dans l’Ouest, me disais-je au cours d’un récent voyage à travers cette contrée vaste comme un océan, si les milliers de Canadiens qui sont allés s’étioler physiquement et moralement dans les manufactures des États-Unis, au risque très certain d’y perdre leur nationalité avec leur langue, sinon leur foi, étaient venus s’emparer de ces belles prairies où les blés jaunissants compensent si amplement le colon d’un labeur moins ardu ici qu’ailleurs ! Et pourtant ces terres fertiles où Cérès étale ses dons de choix sont, de par le droit de découverte et de première occupation, l’apanage de la race française. Et dire que l’étranger moissonne aujourd’hui là où le Canadien a semé !

Pourtant il convient de ne pas exagérer. Notre race est encore dignement représentée dans ces immensités qui n’étaient hier encore que des terrains incultes. Rien qu’au Manitoba, quatre des nôtres viennent d’être élus pour soutenir ses intérêts dans les salles législatives de Winnipeg, signe indubitable que, même simplement comme nombre, nous comptons encore pour quelque chose dans la balance des hommes politiques.

Rien de plus juste, du reste, étant donné notre passé et les hauts faits de nos devanciers dans ce pays. De fait, qui pourrait écrire son histoire sans dévoiler à chaque page l’action de nos compatriotes ou de leurs alliés par le sang ? Leurs faits et gestes peuvent n’avoir pas toujours été marqués au coin du plus pur esprit évangélique. On ne peut pas toujours les considérer comme l’équivalent de ces gesta Dei dont les Francs, nos aïeux, se glorifiaient autrefois. Ils n’en demeurent pas moins le gage de notre influence dans ces contrées lointaines, et ils consacrent des droits que nous serions criminels de négliger.

Pour ne parler que du Manitoba et sans nous éloigner des environs de Winnipeg, une foule de points topographiques rappellent cette action, et constituent les principaux jalons de l’histoire du Canada central. Les ayant visités il y a quelques mois, je serais heureux de les revoir en compagnie des lecteurs de la Nouvelle-France. Ils nous rappelleront quelques-uns des événements où les nôtres ont figuré, et projetteront sur le passé un rayon de lumière qui nous fera peut-être bien augurer de l’avenir.