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« hommes libres » étaient alors des Canadiens en retraite, des anciens employés de la Compagnie du Nord-Ouest. Les prenait-il aussi pour des sauvages ?

Cet historien ne dit pas un mot des Canadiens avant de mentionner l’arrivée de « deux prêtres catholiques (qu’il a grand’peur de nommer) venant du Canada avec plusieurs familles françaises »[1] ; en sorte que le lecteur qui n’a pas d’autre source d’information doit naturellement supposer que c’étaient là les premiers représentants de notre race à la Rivière-Rouge, d’autant plus qu’à la page 20 du même volume il a bien soin de nous apprendre que les émigrés de lord Selkirk étaient « les premiers résidents (settlers) de la seule colonie qu’on eut jamais tenté d’établir dans ces parages inhospitaliers ». C’était sans nul doute le premier effort systématique en vue de fonder un établissement pour la culture des terres ; mais les Écossais n’y furent pas les premiers représentants de la race blanche à s’y fixer. Autrement, qu’étaient ces « hommes libres » dont Ross parle lui-même, et comment se fait-il qu’en 1815 « les Français étaient établis de l’autre côté (est) de la rivière, en amont du fort (Douglas) et aussi de ce côté (ouest), aussi loin que le fort Douglas et là où se trouve maintenant le pont du chemin de fer »[2] ? John Poison qui communiqua ce renseignement au Dr Bryce était un des Écossais qui arrivèrent en 1815. Quand il parle des Français et de la location de leurs résidences, il n’a pas en vue les métis, puisque peu après il assigne à ceux-ci un autre site pour leur « campement »[3].

  1. Ibid., p. 48. Le Dr G. Bryce, n’est pas plus généreux dans son Manitoba, où il se contente de dire que « lord Selkirk causa l’envoi d’un prêtre de Montréal comme chapelain pour ses colons catholiques » (p. 312). Il est plus exact et un peu plus complet dans son Histoire de la Compagnie de la Baie d’Hudson.
  2. Bryce, Manitoba, p. 161.
  3. Comme preuve que les colons de lord Selkirk avaient été devancés par des blancs précédemment établis à la Rivière-Rouge, il suffirait de faire remarquer que, sur la vingtaine de Canadiens qui comparurent en 1818 devant les tribunaux du Canada par suite de l’affaire de la Grenouillère, la plupart en habitaient la région depuis longtemps. Ainsi, Louis Nolin y était arrivé en 1776, bien qu’il paraisse s’en être absenté pour y retourner avec Colin Robertson en 1815 ; Augustin Cadot s’y trouvait depuis 1780, Toussaint Vandry, depuis 1788, Antoine Lapointe, depuis 1803, Basile Bélanger, depuis 1805 ; Pierre Falcon, père et fils, y étaient depuis 1803, etc. En outre, Benjamin Gervais, le père du premier enfant blanc né à Saint-Paul, Minn., s’y rendit vers 1803, et y resta plusieurs années au service de la Compagnie de la Baie d’Hudson.