et l’ignorance des autres allait être dissipée par le double flambeau de l’instruction religieuse et de l’enseignement des sciences profanes.
Parmi les figures qui apparaissent dans l’histoire de la Rivière-Rouge, il en est une qui est vraiment digne d’occuper la première place, et qui cependant a été à peine signalée jusqu’ici. On a cité une ou deux fois le nom de Mgr Provencher, mais on a fait semblant d’ignorer son œuvre, tandis qu’en réalité c’est lui qui a été le véritable civilisateur du pays, et le soutien de la colonie naissante de lord Selkirk. Deux fois déjà cette colonie avait été détruite, et elle ne paraissait pas devoir se relever, quand arrivèrent les missionnaires catholiques, MM. Provencher et Dumoulin. Avec eux on vit renaître la confiance ; la paix se rétablit, et les colons se remirent à l’œuvre avec courage[1].
Je souscris volontiers à ce jugement de M. l’abbé Dugas, l’historien de l’élément français au Manitoba, sur le premier missionnaire permanent de la Rivière-Rouge. Ajoutons que ce fut grâce à la généreuse intervention de lord Selkirk que ces deux pionniers furent envoyés, preuve qu’il y avait alors des catholiques, pour la plupart Canadiens ou enfants de Canadiens, en grand nombre dans le pays, malgré le silence à ce sujet d’Alexander Ross dans son histoire de la Rivière-Rouge, laquelle n’est en réalité que l’histoire de la colonie écossaise dans cette vallée.
Les rangs canadiens se grossissaient en outre d’une quarantaine d’hommes, dont quelques-uns avaient leurs familles avec eux, qui accompagnaient les deux jeunes missionnaires à leur arrivée au pays. Ceux-ci avaient eux-mêmes aidé John McLeod à les recruter dans les environs de Montréal et de Trois-Rivières. C’était là un précieux renfort pour la population de sang français, qui, malgré le silence de Ross, était déjà assez considérable dans l’Assiniboia, bien que les catholiques y fussent représentés surtout par les métis.
Or, pour cet auteur à vues étroites, ces métis n’étaient que des sauvages, et par conséquent ne comptaient point comme population. Ainsi, parlant de ceux qui conduisirent à Pembina les premiers émigrés d’Écosse, il écrit : « Tout considéré, les Indiens s’acquittèrent fidèlement de leurs obligations, et montrèrent beaucoup d’indulgence pour ceux qui les suivaient, lesquels acquirent une plus grande connaissance de leur caractère au fur et à mesure qu’ils avançaient. C’était une troupe d’hommes libres, métis et quelques rares sauvages »[2]. Or la plupart des