commis au service de la Compagnie du Nord-Ouest, s’approcha à cheval du gouverneur en faisant signe de la main qu’il voulait parler.
— « Que voulez-vous ? demanda-t-il à Semple.
— Que voulez-vous vous-même ? riposta celui-ci.
— Nous voulons notre fort, fit Boucher.
— Eh bien ! allez à votre fort, répondit le gouverneur. »
Sur quoi le Canadien fit observer avec une imprécation :
— « Vieux coquin, vous l’avez détruit. »
Les deux parlementaires se trouvaient alors près l’un de l’autre. Semple était un gentleman, habitué à être traité avec respect et déférence. S’entendant appeler « coquin » il saisit la bride du cheval de Boucher en disant :
— « Misérable, osez-vous me parler ainsi ? »
Là-dessus Boucher sauta à terre, un coup de feu partit on ne sait d’où, et un M. Holt, commis de la Compagnie de la Baie d’Hudson, tomba mortellement blessé. Boucher se retira vers les siens, et aussitôt une balle atteignit le gouverneur. Se sentant blessé, celui-ci proclama un sauve-qui-peut général. Mais ses suivants ne purent s’empêcher de l’entourer pour s’assurer de la gravité de sa blessure.
Ce fut la ruine de son parti. Ainsi groupés, ses hommes devinrent un excellent point de mire pour leurs agresseurs qui ne manquèrent pas d’en profiter. En un clin d’œil ils furent criblés de volées de balles. Ils tombaient par petits groupes, généralement blessés à mort, et ne se relevaient que pour recevoir le coup de grâce. En sorte qu’en peu de temps presque toute la bande de Semple avait mordu la poussière. De fait, vingt et un furent tués sur vingt-huit, plus un blessé.
Le gouverneur lui-même, reconnaissant Grant sous son affreux déguisement, lui demanda poliment :
« N’êtes-vous point M. Grant ? »
Recevant une réponse affirmative, il lui dit que sa blessure n’était point mortelle et qu’il pourrait y survivre s’il était rendu à son fort. Grant ordonna donc à un de ses gens, un Canadien, de l’y emmener. Mais un sauvage qui se trouvait là empêcha cet acte d’humanité en le tirant à bout portant.
Ce fut là, en vérité, une bien triste affaire. L’instinct sauvage occasionna chez quelques-uns des excès très regrettables, vu que plusieurs auraient certainement survécu à leurs blessures s’ils n’avaient été cruellement massacrés au moment où ils deman-