Page:Morice - Aux sources de l'histoire manitobaine, 1907.pdf/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

II. — l’affaire de la grenouillère


Comme nous l’avons vu, ces vastes contrées avaient été découvertes par des Canadiens ; le commerce avec les tribus aborigènes avait été jusque-là exercé par des Canadiens, et enfin, une compagnie canadienne, en groupant sous une direction unique des efforts qui avaient été plus ou moins isolés depuis la mort de La Vérendrye (1749), avait succédé aux pionniers canadiens et croyait avoir hérité de leurs droits.

D’un autre côté, soixante-et-un ans avant l’établissement du premier poste dû au découvreur du Canada central, le fort Saint-Pierre érigé en 1731 au lac la Pluie, des Anglais jouissant d’accointances puissantes, sinon toujours des plus honorables, avaient, à l’instigation de deux aventuriers français, fondé une société de traite connue plus tard sous la raison sociale de Compagnie de la Baie d’Hudson. Cette corporation avait obtenu une charte royale qui lui conférait les pouvoirs les plus étendus. Outre le droit d’administrer la justice et d’exercer presque toutes les fonctions inhérentes à la souveraineté territoriale, cet instrument maintenant plus que séculaire accordait à cette compagnie le monopole du commerce des fourrures dans tout le pays arrosé par les tributaires de la Baie d’Hudson. C’était lui réserver tout le Nord-Ouest canadien, y compris le bassin de la Rivière-Rouge.

Tant que le Canada n’y fut représenté que par de simples particuliers, la vénérable corporation ne s’émut pas outre mesure de la concurrence qu’ils pouvaient lui faire. Du reste, des troubles domestiques autrement graves absorbaient son attention, puisque sa vie même comme corps commercial était en jeu. Elle avait, en effet, à défendre les comptoirs qu’elle avait établis sur la baie qui lui avait donné son nom, contre les agressions des Français et des Canadiens qui ne les lui avaient pas moins enlevés à plusieurs reprises.

Après la cession du Canada à l’Angleterre (1763), elle fut en état de diriger son attention vers l’intérieur. Mais, représentée par des gens de race différente de celle à laquelle appartenaient ceux qui avaient jusque-là joui de la confiance des indigènes, elle n’osa guère s’aventurer chez ces derniers, jusqu’à ce que l’établissement de la Compagnie du Nord-Ouest, d’autant plus agres-