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le moindre doute », nous assure-t-il, « que Riel était d’abord en faveur du mouvement [annexionniste], et que ce ne fut qu’après l’issue du raid… qu’il se rappela soudain sa loyauté et offrit ses services et ceux de ses deux cents métis »[1].

On conçoit qu’après l’ostracisme des chefs métis, après les vexations sans fin dont leurs compatriotes étaient les victimes, et en face du mépris non déguisé dont on voulait accabler tous ceux qui avaient, de près ou de loin, pris part aux récents troubles, ceux-ci ne pouvaient décemment courir se joindre à leurs ennemis d’hier dans la défense du pays sans savoir si on daignerait accepter leurs services[2]. Et puis, pour eux Riel était l’homme de la situation. Ils ne voulaient pas se lancer dans une si grave entreprise sans avoir le bénéfice de ses conseils et le voir à leur tête. Or Riel était proscrit. Bien que revenu au pays, on savait que les orangistes trépignaient d’impatience devant les refus implicites des autorités provinciales de l’appréhender. Dans ces conditions était-il prudent pour lui de se mettre trop en avant ?

M. Archibald lui ayant fait déclarer que, non seulement son concours serait accepté, mais qu’il était même vivement désiré, et que par ailleurs il ne courrait lui-même aucun danger, celui-ci ne perdit pas une minute pour faire droit à sa requête.



Cette déclaration ne cadre guère avec les assertions des auteurs anglais. Mais le plus opportun des hasards a tout récemment mis entre mes mains un document inédit de la plus haute importance, dont la production dans les pages qui suivent réduira à néant les insinuations des malveillants et forcera les écrivains de bonne foi à modifier leurs jugements sur l’action de l’élément

  1. History of Manitoba, p. 471.
  2. Ces doutes étaient si bien fondés que, lorsqu’après la revue des troupes métisses, le gouverneur voulut les caserner au fort Garry, un certain lieutenant Hay refusa net de leur faire préparer le logement, déclarant à Son Honneur qu’il jetterait plutôt ses armes que de le faire, et un autre officier également au service de la Reine le soutint dans son refus. Le gouverneur dut céder devant cette sotte insubordination, et ce ne fut qu’avec peine qu’il obtint d’y stationner Pascal Breland avec sa compagnie d’éclaireur », bien que ce métis se fût toujours fait remarquer par la modération de sa conduite.