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faudrait rire ; car c’est le propre de la science de chercher et de trouver le comment et le pourquoi de faits que le vulgaire accomplit ou subit tous les jours sans s’en rendre compte »[1]. Indépendamment de toute considération utilitaire, la science pure a en effet pour les progrès de l’humanité une importance que l’on ne saurait nier à moins de prétendre que des Leibnitz, des Descartes ou des Henri Poincaré ne sont que des rêveurs aux élucubrations oiseuses ; sans compter qu’il est toujours possible qu’une étude dénuée en apparence d’intérêt pratique trouve un jour une application — telle que l’application de l’astronomie à la navigation — et cela d’autant mieux que la meilleure manière d’atteindre à des fins pratiques, c’est souvent de ne pas les poursuivre pour ne pas être exposé à localiser ses recherches dans une région stérile[2]. Mais lorsqu’il s’agit de l’économie mathématique en particulier, on n’est nullement réduit à se contenter de cette réponse d’ordre général, car il y a mieux à dire dans ce cas. Nous avons vu en effet dans ce qui précède (I, II, 3) que c’est une erreur de croire que pour n’être pas directement applicable à la résolution de problèmes concrets, une théorie pure, rationnelle, doive nécessairement être considérée comme dénuée d’utilité, parce que la pratique étant essentiellement synthétique, cette théorie peut fort bien être de nature à contribuer à l’obtention des solutions qu’elle est impuissante à fournir à elle seule. On ne saurait donc refuser a priori toute utilité aux théories mathématico-économiques, et le plus que l’on en puisse

  1. Journal des Économistes, numéro d’avril 1885, p. 70.
  2. Voir dans ce sens A. Marshall, Principles of economics, Londres, 1890, p. 94 (Cette page de l’œuvre du savant auteur des Principles n’a pas été reproduite intégralement dans la 4e édition de son ouvrage sur laquelle a été obtenue la traduction française [p. 176]).