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n’être qu’à ses débuts, l’économie mathématique n’en offre déjà pas moins, d’après ce que nous venons de voir, tout un faisceau de résultats acquis qui fournit une base étendue aux recherches futures, puisque, de par leur généralité même, ces résultats sont applicables à l’étude de la vie économique tout entière. Aussi croyons-nous pouvoir conclure avec le maître de l’économie mathématique contemporaine, M. V. Pareto : « Si quelqu’un trouve que c’est trop peu, il n’a qu’à nous montrer comment on peut faire mieux. La route est libre, et le progrès de la science est continu. Mais, en attendant, ce peu vaut mieux que rien ; d’autant plus que l’expérience nous enseigne que dans toutes les sciences, le peu est toujours nécessaire pour arriver au plus »[1], et, ferons-nous observer avec ce même auteur, que, dans tous les cas, quand on ne peut avoir une carte topographique d’une contrée avec les moindres détails, ce n’est pas une raison pour renoncer à en avoir une carte géographique[2].

D’autre part, pour ce qui est du fait de prétendre que les théories mathématico-économiques sont vaines parce que dépourvues d’applications pratiques immédiates, ce n’est que l’expression d’une très ancienne objection — aussi ancienne, semble-t-il, que la science pure elle-même — à toutes les recherches purement scientifiques, mais qui n’a pas acquis de valeur avec le temps. C’est ainsi effectivement, pour reprendre l’exemple de l’astronomie, que Socrate déjà s’élevait contre la folie de ceux qui se livraient à l’étude du mouvement des astres, d’après ce que nous rapporte Xénophon en faisant à ce propos un jeu de mots : Κινδυνεῦσαι

  1. Manuel… [p. 143], ch. iv, § 30. Cpr. Émile Picard, De la science dans De la méthode dans les sciences, Paris, 1909 « La science n’est formée que d’approximations successives ».
  2. Introduction à la Théorie… [p. 176], de A. Osorio, p. xii.