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est une science expérimentale : parmi les lois qu’elle nous fait connaître, il n’en est pas une seule qui n’ait en définitive son fondement dans l’expérience. Mais les sciences expérimentales peuvent recourir à la déduction ; et il en est qui font un très grand usage de celle-ci… »[1]. Il ne faut donc pas s’y tromper : les économistes mathématiciens ne font nullement œuvre d’imagination pure en dehors de tout souci de la vérité, et s’il leur arrive parfois d’introduire dans leurs énoncés des données d’une simplicité irréalisable, ils ne font alors qu’user de licences analogues à celles qui sont admises dans toutes les branches des mathématiques appliquées^ en vertu de ce principe que la science procède toujours par approximations successives. D’ailleurs, c’est là un point important, le fait d’introduire dans une théorie des fictions — telles que la droite à une seule dimension de la géométrie ou le solide ponctuel de la mécanique — loin de créer un fossé infranchissable entre cette théorie et la pratique, est au contraire fréquemment la condition sine qua non de la possibilité d’adapter cette théorie à la multitude des cas que présente la pratique ; et ainsi, au lieu d’avoir à justifier cette manière de procéder, on peut dire que c’est l’honneur des économistes mathématiciens d’avoir fait de l’économie pure une science réellement objective, débarrassée de toutes considérations morales ou métaphysiques, en la limitant à des phénomènes idéaux ne présentant que les caractères permanents des phénomènes concrets, à l’instant où les économistes de l’École autrichienne se montraient assez disposés à voir dans des accidents, constatés à l’occasion d’exa-

  1. L’utilité sociale de la propriété individuelle, Paris, 1901, préf. p. xi.