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tement homogènes, parce qu’elles savent bien que, pour établir une machine ou pour calculer un pont, il ne suffit pas de tenir compte de la théorie de l’élasticité et qu’il faut encore se préoccuper des propriétés particulières des matières employées. Or, la science étant toujours analytique et la pratique synthétique, ainsi que M. Pareto le rappelle sans cesse à ceux qui se montrent disposés à l’oublier, il en va des questions économiques comme des questions mécaniques, et si les théories de l’économie pure ne fournissent pas à elles seules leurs solutions, cela ne prouve nullement l’inanité de ces théories, cela indique simplement qu’elles doivent être complétées par certaines connaissances sociologiques permettant de tenir compte des caractères particuliers qui distinguent l’individu (ou la collectivité) envisagé de l’homo economicus en général, et l’acquisition de ces connaissances est du domaine de l’économie appliquée, dont les économistes mathématiciens n’ont jamais contesté l’intérêt[1]. Il ne semble donc pas que l’on puisse reprocher sérieusement à l’économie pure de ne pas serrer d’assez près la réalité ; et d’ailleurs il faut reconnaître que les économistes littéraires seraient bien mal placés pour le faire, si l’on songe aux exemples particulièrement simplifiés sur lesquels ils font fréquemment

  1. « Toute science a deux parties : une partie rationnelle, pure, qui étudie la forme la plus générale et abstraite des phénomènes respectifs, et une partie appliquée qui étudie leur forme concrète et détaillée ». (Début du rapport du Dr J. Winiarsky sur l’Enseignement de l’économie pure et de la mécanique sociale au « Congrès international de l’enseignement des sciences sociales de Paris » en 1900.) Sur la question des rapports de la science et de l’art en économie politique, voir dans les Mathematical investigations…[p. 136] (App III, § 8) de M. Irving Fisher l’intéressante réfutation de la critique des Principii… [p. 154. ], de M. Pantaleoni par le professeur U. Rabbenio, et dans le Manuel… [p. 143] de M. V. Pareto, les considérations générales développées tant au cours du ch. i, qu’au début du ch. ix.