Page:Moret - L’emploi des mathématiques en économie politique.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou de l’hérédité, sont le plus souvent des actes qui ont été mûrement réfléchis une fois pour toutes, et, d’autre part, les actes les plus capricieux, comme le suicide ou le mariage, se présentent dans leur ensemble comme constants et uniformes. Du reste, de deux choses l’une : ou bien les phénomènes économiques n’offrent pas de caractères permanents, et la science économique n’est qu’un vain mot, — nulla est fluxorum scientia — ou bien, au contraire, ils obéissent à des lois, et alors ce serait singulièrement méconnaître la souplesse des procédés mathématiques, que de s’imaginer qu’ils ne peuvent être appliqués à l’étude de ces lois du fait de l’excès de généralité des données économiques, car « l’une des fonctions les plus importantes de l’analyse consiste précisément à assigner des relations déterminées entre des quantités, dont les valeurs numériques et même les formes algébriques sont absolument inassignables »[1] pour permettre d’atteindre à la connaissance des faits qui ne dépendent que des caractères généraux des phénomènes étudiés[2]. Et il n’est d’ailleurs nullement à craindre que cette méthode de recherche entraîne l’introduction d’hypothèses ayant pour objet de remédier à l’imprécision des données en fixant arbitrairement des éléments essentiellement variables, car non seulement rien n’empêche de laisser aux fonctions auxquelles on recourt le degré d’imprécision que comporte la question envisagée, mais en outre il reste toujours loisible d’étudier les variations de coefficients momentanément considérés comme des constantes : c’est là une méthode d’adaptation et de mise au point

  1. A. Cournot, Recherches… [p. 76], ch. iv, art. 21.
  2. La théorie de la capillarité fournit un exemple devenu classique des résultats que l’on peut obtenir sans sortir du domaine des généralités (Cf. A. Cournot, Recherches… [p. 76], ch. iv, art. 21 et H. Poincaré, La Physique expérimentale… [p. 20], § iv.