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toutes les personnes qui ne se sont pas spécialement préoccupées d’études mathématiques, contre laquelle les économistes mathématiciens n’ont jamais cessé de s’élever : nous voulons parler de l’erreur consistant à s’imaginer que les mathématiques se composent exclusivement des éléments d’arithmétique, des principes de géométrie et des rudiments d’algèbre qui sont nécessaires à l’éducation d’un « honnête homme ». Il suffit pour s’en convaincre de se reporter aux concessions consenties par les adversaires de l’emploi des mathématiques en économie politique. Tandis que d’aucuns concèdent « qu’une certaine éducation mathématique serait nécessaire aux économistes à qui la méthode rendrait, pour certains cas, de grands services et éviterait des erreurs graves : telles que de dire que deux quantités varient en raison inverse l’une de l’autre, lorsque c’est la somme et non le produit qui est constant », d’autres reconnaissent que « l’esprit mathématique n’en a pas moins fait faire de réels progrès à la science économique, par la statistique, les méthodes de calcul et les courbes graphiques », et vont même jusqu’à signaler à ce propos « l’habitude, relativement récente, d’exprimer toutes les proportions non pas en fractions ordinaires, mais en pourcentages » !

Certes, il est incontestable que la vie économique dépend d’un grand nombre de facteurs qui, à vouloir les prendre isolément, demeurent absolument insaisissables. Mais, comme l’a dit L. Walras[1], jamais les économistes mathématiciens n’ont prétendu calculer les décisions de la liberté humaine, ils veulent seulement essayer d’en exprimer mathématiquement les effets. Or, d’une part, les actes en apparence les plus spontanés, ceux qui sont le fait de l’habitude, de l’imitation

  1. Éléments… [p. 106], 22e leç., § 222.