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dans les sciences morales » et autres gentillesses de mêmeforce ».

D’autres, insistant sur ce fait que l’homme est un sujet ondoyant et divers, ont conclu au rejet des « procédés rigoureux de la spéculation mathématique » dans la crainte, qu’à leur contact, cet homme ne devienne « une constante pour tous les temps et tous les pays, tandis qu’en réalité il est une variable ».

D’autres encore, en présence de l’enchevêtrement des influences qui s’exercent sur la volonté humaine et la déterminent à agir, n’ont pas hésité à affirmer que « les faits économiques sont d’une complexité telle que leur analyse, avec des répercussions et des réactions réciproques, écraserait le puissant appareil des mathématiques modernes ».

D’autres enfin, qui constituent la majorité, ont objecté qu’en admettant que des phénomènes moraux puissent se plier à la discipline mathématique, les procédés mathématiques n’en resteraient pas moins inapplicables par suite de l’impossibilité d’assujettir les prémisses des problèmes économiques à une détermination rigoureuse, et spécialement de mesurer les quantités de plaisir ou d’utilité par suite de l’absence d’unité de mesure psychologique[1].

Eh bien ! toutes ces objections participent plus ou moins d’une même erreur, extrêmement fréquente chez

  1. Voir notam. J.-E. Cairnes, Le caractère et la méthode logique de l’économie politique, trad. G. Valran, Paris, 1902, préf. ; J.-K. Ingram, Histoire de l’économie politique, trad. H. de Varigny et E. Bonnemaison, Paris, 1893, ch. v, p. 260 ; E. Levasseur, Compte rendu… [p. 35], p. 117 ; J. St. Mill, Système de logique, l. III, ch. xxiv, § 9 ; J. Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 3e éd., Paris, 1909, l. II, ch. ix.