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vain, ainsi qu’on l’a fait remarquer[1], que de se demander en présence de deux frères quel est le frère de l’autre — jusqu’au jour où un économiste mathématicien, Walras, a, pour la première fois, précisé la nature de cette interdépendance économique dont ses prédécesseurs avaient obscurément conscience.

Mais comme dans cette partie de notre travail nous n’entendons faire appel à aucune considération mathématique, nous allons nous efforcer maintenant de montrer a priori la nécessité de l’emploi des mathématiques en précisant les grandes lignes du problème qui se présente à ceux qui cherchent à obtenir une vue d’ensemble du monde économique.

Le monde économique, pris dans son ensemble, se présente comme un agrégat d’individus ou de groupes d’individus dont les tendances, en se limitant mutuellement, arrivent à se contrebalancer sous l’action de la concurrence (dont on ne saurait faire abstraction même sous le régime le plus interventionniste), de même que en s’entrechoquant les molécules d’une masse liquide, mise en mouvement pour une raison quelconque, finissent par retrouver une position d’équilibre sous l’influence de la pesanteur. Or, la satisfaction des désirs d’un individu ne dépend de sa volonté qu’entre certaines limites au delà desquelles ses efforts sont inévitablement annihilés par les efforts de ceux dont les intérêts sont en opposition avec les siens. Mais on peut admettre qu’entre ces limites où il est libre d’agir à sa guise, l’individu manœuvrera de manière à obtenir avec le moindre effort la plus grande somme de

  1. P. Boven, dans un travail sur Les applications mathématiques à l’économie politique, Lausanne, 1912, ch. ii, p. 27 (Ce travail a d’ailleurs pour objet la mise en lumière de la nécessité de l’emploi des mathématiques en économie politique du fait de la mutuelle dépendance des phénomènes étudiés).