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veur de l’emploi des procédés mathématiques, que pour être capable d’examiner les applications qui ont été faites de ces procédés. Comment en effet pourrait-on espérer faire reconnaître l’opportunité de cet emploi par des auteurs qui se demandent, par exemple, si les équations destinées à traduire les conditions de l’équilibre économique représenteront bien les causes de cet équilibre ou si elles n’en seront pas plutôt les conséquences, la valeur et le prix étant des « phénomènes premiers et essentiels », ou qui, confondant peut-être équilibre et immobilité — comme s’il n’y avait pas des équilibres mobiles, tel que celui de la toupie en mouvement —, paraissent s’imaginer que l’équilibre économique est aux antipodes du progrès[1].

D’autre part, si dans l’état actuel des choses l’économie politique n’est guère préparée à se laisser pénétrer par les mathématiques, les voix les plus autorisées constatent par ailleurs que l’édifice des théories classiques est désormais trop délabré[2], tout en reconnaissant que les méthodes employées jusqu’ici n’ont pas donné de très brillants résultats[3]. Or, il suffit d’examiner sans le moindre parti pris la structure actuelle de l’économie politique, pour s’apercevoir que si elle n’a pas atteint au degré de perfection auquel elle pourrait pré-

  1. En réalité le monde économique est assez semblable à la mer qui, sans cesse troublée par tant de causes diverses, n’en conserve pas moins un état d’équilibre qui se traduit à notre esprit par la permanence d’un niveau moyen dont nous avons parfaitement notion bien qu’il ne soit jamais observable (de telle sorte qu’il est à peu près aussi vain de vouloir démontrer l’inanité des théories mathématico-économiques en tirant argument, ainsi que certains ont tenté de le faire, des écarts qu’elles présentent par rapport à la réalité, qu’il le serait de faire de l’existence des vagues et des marées une objection à la théorie de la sphéricité de la terre).
  2. Ch. Gide et Ch. Rist, Histoires des doctrines… [p, 21], 1. V, p. 589.
  3. E. Bouvier, La Méthode… [p. 4], p. 817.