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néfice supplémentaire aux entrepreneurs les plus avantagés. La seconde source de profits permanents — sensiblement de même nature que la première tout en différant notamment en ce que tous les entrepreneurs peuvent en jouir simultanément — découle de ce que, en général, les frais de production ne sont pas proportionnels aux quantités produites et que néanmoins les diverses unités produites sont vendues à un même prix : le prix de revient des unités dont le coût de production est le plus élevé, Walras n’ignorait pas l’existence de ces deux sources de bénéfice. S’il n’en a pas fait état, c’est sans doute que, d’une part, la jouissance d’une situation privilégiée à quelque titre que ce soit constitue un monopole complètement incompatible avec le régime de libre concurrence absolue qu’il entendait exclusivement étudier, et que, d’autre part, il s’est cru autorisé à considérer les coefficients de fabrication non comme des variables, mais comme des constantes[1]. Les conditions restrictives dans lesquelles s’est placé le professeur de Lausanne sont d’ailleurs parfaitement acceptables en tant que première approximation, étant donné que les bénéfices différentiels[2], analogues à la rente de la terre, tels que ceux que nous venons de signaler, n’agissent pas directement sur la détermination des prix, ainsi que le reconnaît (il est curieux de le remarquer) l’un de ceux-là mêmes qui ont fait un grief à

  1. Cf. Eléments, 20e leç., § 203.
  2. Ces bénéfices différentiels ont reçu de H. v. Mangoldt (Die Lehre vont Unternehmergewinn, Leipzig, 1885), qui semble avoir été le premier à les mettre clairement en évidence, le nom de rente d’entrepreneur (Unternehmerrente) généralement adopté aujourd’hui (cpr. la rente du consommateur, II, II, 3). Certains auteurs néanmoins, à la suite de M. N.-G. Pierson, préfèrent l’expression de prime d’entrepreneur (Ondernemerspremie).