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il semble qu’il soit impossible de la pousser plus loin, à cause de ce fait que l’utilité absolue d’intensité [point de vue subjectif] nous échappe parce qu’elle n’est ni avec le temps ni avec l’espace dans un rapport direct et mesurable comme l’utilité d’extension [point de vue objectif] et comme la quantité possédée. Eh bien ! cette difficulté n’est pas insurmontable. Supposons que ce rapport existe, et nous allons pouvoir nous rendre un compte exact et mathématique de l’influence respective de l’utilité d’extension, de l’utilité d’intensité et de la quantité possédée sur les prix ».

« Je suppose donc qu’il existe un étalon de mesure de l’intensité des besoins ou de l’utilité intensive, commun non seulement aux unités similaires d’une même espèce de la richesse mais aux unités différentes des espèces diverses de la richesse. »

En raisonnant ainsi, l’auteur a attribué à « la courbe de rareté » la signification d’une représentation quantitative des variations de l’utilité (ou de la satisfaction) en fonction des quantités consommées. Or, il faut reconnaître, avec certains critiques et à la suite du professeur Irving Fisher, qui semble être le premier à en avoir suggéré l’observation[1], qu’il est purement gratuit de considérer l’utilité (ou la satisfaction) comme une grandeur mesurable. En effet, s’il est certain que la satisfaction est une grandeur, puisque l’expérience journalière nous montre qu’elle est susceptible de plus ou de moins, il n’en est pas moins vrai qu’en l’état actuel de la science on n’a pas encore réussi à montrer qu’on peut la mesurer et encore moins à trouver comment on pourrait s’y prendre pour le faire.

Rien ne saurait donc justifier l’hypothèse de Walras, et l’œuvre du savant professeur de Lausanne présente

  1. Cf. II, III, 4.