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ils pourraient aussi bien chercher à modifier la lumière rouge en l’appelant lumière bleue »[1].

À la vérité, c’est aller un peu loin que de conclure directement de la possibilité de l’emploi des mathématiques en économie politique à l’opportunité de cet emploi sans rechercher s’il est susceptible d’offrir un réel intérêt. Mais — sous réserve d’objections que nous examinerons ultérieurement, — il ne reste pas moins des raisons invoquées par ceux qui ont développé ce que l’on peut appeler elliptiquement l’argument des quantités, que, du fait de leur nature quantitative, les questions économiques sont susceptibles d’être traitées mathématiquement, et c’est là le seul point qui nous importe quant à présent, car nous nous réservons d’exposer plus loin les avantages que, en l’espèce, la logique mathématique présente par rapport à la logique ordinaire.

On voit donc que la matière économique est de nature à pouvoir être introduite dans ce que Taine a appelé le moule mathématique ; et il ne nous reste plus par suite qu’à montrer que les phénomènes économiques revêtent des formes qui s’adaptent parfaitement à ce moule, c’est-à-dire que l’analyse mathématique est appropriée à l’étude de ces phénomènes.

Eh bien ! d’une part, dès l’instant où l’on entend faire une œuvre scientifique, il ne faut prendre en considération que des phénomènes généraux, ceux qui présentent des caractères permanents, car, selon la formule que Platon prête à Socrate, il n’y a de science que du général. La vente d’une boîte à musique au milieu du lac Supérieur, à laquelle Mill s’est arrêté, ou les opérations commerciales d’un Robinson Crusoé, à l’analyse desquelles se sont complu certains économistes, ne sont que des cas tératologiques de l’examen

  1. W. St. Jevons, Théorie… [p. 91], chap. i, p. 56.