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mésanges répondait le murmure du ruisselet, quelquefois accentué du susurrement monotone d’un grillon : pourquoi le cœur de Ferrand se mit-il tout à coup à chanter sa partie dans ce concert de la paisible nature ?…

Oh ! sa chanson était encore bien vague : c’était comme l’expression d’une paix dès longtemps inconnue qui rentrait dans l’âme du pauvre malade ; c’était comme le bonheur de se ressaisir après de longs jours de désespoir, de se reprendre à croire encore aux beaux jours, à la jeunesse, aux fleurs, au soleil, aux oiseaux, de retrouver enfin dans son cœur un écho de l’enthousiasme que ces belles choses excitent dans les âmes jeunes, et que le vice seul ou la mort peut complètement détruire.

Quand on le vint prendre pour le ramener à l’hôtel, Fernand eut un mouvement de dépit, comme si on l’eût brusquement réveillé d’un beau rêve. Puis, se ressaisissant aussitôt, il prit le bras du domestique qui l’aidait, et dit intérieurement adieu à son petit coin de parc en se promettant d’y revenir le lendemain.

Aussi fût-ce pour lui le plus amer crève-cœur de ne pouvoir réaliser ce projet. Dans l’après-midi, un orage épouvantable éclata au-dessus de la vallée. Au fracas ininterrompu de la foudre, les énormes nuages crevaient en large pluie, inondant les terres basses sous un flot épais et jaunâtre. De tous les points des collines environnantes, d’impétueux torrents descendaient, comme autant de bêtes malfaisantes et immondes qui se seraient donné rendez-vous dans la plaine, et déversant leurs eaux dans le ruisselet, le transformaient rapidement en une rivière désordonnée, dont les flots furieux entraînaient