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sorte de bonheur, et il eût donné sa fortune pour les pouvoir prolonger. Il ouvrait alors son cœur tout entier, racontait ses chagrins puis ses rêves, heureux de recueillir une consolation, un encouragement. Le bon docteur, de son côté, se prenait peu à peu d’une vive affection pour le jeune homme, qu’il devinait intelligent et plein de cœur, et ce sentiment ne faisait que fortifier encore en lui le désir qui l’animait de vaincre la maladie presque victorieuse, déjà.

Jusqu’alors, M, Darcier avait gardé la chambre, ne la quittant, le matin et l’après-midi, qu’au bras d’un domestique chargé de le conduire à l’établissement des bains. Mais depuis deux jours, en même temps qu’il se sentait souffrir davantage, un besoin lui était venu de grand air et de distraction. Il demanda au docteur s’il ne pourrait dorénavant passer quelque temps dans le parc, et en obtint la permission. Le premier jour qu’il en profita, le hasard le conduisit, au fond du jardin, dans un massif voisin de la grande allée des marronniers, à l’ombre duquel un large banc de bois invitait au repos. C’est là qu’il s’assit, recommandant au domestique de le venir prendre une heure plus tard.

Oh ! que cette heure fut courte à s’envoler ! C’était un petit coin bien discret et plein d’ombre, où personne ne s’égarait d’ordinaire. Un vieil érable, tout reverdi par le soleil de juin, dans les branches duquel gazouillaient doucement les mésanges au corselet bleu pâle. Puis quelques arbrisseaux, tous fiers de leur première floraison, une pelouse au gazon dru qui descendait en plan incliné, et tout au bout le ruisselet, dont une onde, çà et là se brisant, rejaillissait en perles brillantes… Au gazouillement des