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qui fut l’ange de son foyer. Raymonde naquit l’année suivante ; et dès lors, Pierre Dubreuil se crut le plus heureux des hommes. Ce bonheur cependant ne devait pas être de longue durée. À peine un an s’était écoulé que la guerre, la fatale guerre de 1870, éclata, jetant la consternation, dès le début des hostilités, dans l’âme de tous ceux qui croyaient invincibles les armes françaises. À l’annonce de chaque nouvelle bataille, de chaque nouvel échec, Dubreuil se sentait envahir par une sourde colère ; sa femme cependant, qui savait le fervent patriotisme dont il était rempli, lui prêchait la confiance et l’espoir.

Au commencement de septembre, on apprit la capitulation de Sedan et le départ de l’empereur : Dubreuil manda son régisseur, lui donna ses instructions, lui confiant avec le soin de ses propriétés et de sa fortune, la mission de veiller sur sa femme et son enfant.

— Je ne veux point leur faire d’adieux, dit-il ; je sens trop bien, hélas ! que je ne partirais pas, et je veux être demain à l’armée. Quoi qu’il arrive en mon absence, ne prends conseil que de toi-même et fais ce que ton affection pour nous te commandera de faire.

Puis, essuyant une larme qu’il n’avait pu retenir, il avait serré la main du vieillard, avait sauté en selle et, sans oser jeter un regard derrière lui, sur cette maison où restaient seuls désormais les êtres qu’il chérissait plus que tout au monde, il était parti à franc étrier pour rejoindre l’armée de la Loire.

La guerre terminée, quand il revint à Beautaillis, Raymonde était orpheline. Sa mère n’avait pas su