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était hanté toujours par cette vision qu’il avait eue, dans le cabinet de M. Petit, d’un jeune homme que n’avait froissé ni même touché la façon brusque dont sa proposition avait été déclinée. Certainement, ce jeune homme n’aimait Raymonde que très superficiellement, et quand il faudrait tout à l’heure, pour ne pas perdre tout à fait Marcelle, le prier d’accepter maintenent celle qu’on lui avait refusée, n’était-il pas à craindre qu’il refusât à son tour et qu’il déclinât l’offre qu’on lui faisait ?…

Que deviendrait alors ce malheureux père, et de quelle honte ne l’accablerait pas cet affront au-devant duquel il aurait si légèrement couru ?…

Et voici que, grâce à l’amour de Marcelle, tout s’arrangeait sans qu’il fût obligé d’en passer par cette affreuse alternative. Un grand soulagement se fit en M. Dubreuil. Puis tout à coup la même angoisse le reprit, l’image de Raymonde venant subitement à se dresser devant lui. Raymonde !… Mais c’est elle qui ne voudrait pas de cette union. Une première fois déjà, n’en avait-elle pas repoussé l’idée ?…

Mais comme M. Dubreuil se tournait vers sa fille, prêt à entendre son arrêt sortir des lèvres de Raymonde, il la vit soudain transformée, tout son visage paraissant illuminé du reflet d’une immense joie intérieure. Alors aussi, tout à coup, la lumière jaillit en son esprit, et il ne put que s’écrier en ouvrant ses bras à Raymonde :

— Ma chérie, ma pauvre enfant !… Tu l’aimais, et c’est à moi, père égoïste et aveugle, que tu te sacrifiais !…

Cette scène avait profondément ému tous les