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Ayant appris que ma tribu s’était établie aux environs de Tours, je quittai furtivement la maison de M. Darcier, la nuit venue ; je m’enfuis en emportant avec moi sa petite fille et je rejoignis ma famille. C’est sur le conseil de mon père que j’avais agi : il se proposait de garder l’enfant, alors âgé de six mois, pendant un temps déterminé au bout duquel on trouverait un moyen de le rendre à son père, moyennant un bon prix.

Toutefois, il était écrit que ce plan abominable ne devait pas réussir. Quelques semaines seulement après le crime, nous sûmes que le père de l’enfant volée était devenu fou à la nouvelle de ma fuite, et qu’on avait dû le faire interner dans une maison d’aliénés. Mon père aussitôt envisagea que le péril que nous faisait courir la présence de l’enfant n’était plus compensé par la perspective d’obtenir plus tard une forte somme d’argent en le restituant. Nous décidâmes de l’abandonner.

Un soir de l’automne 1877, je le déposai sur le talus d’un fossé de la grand’route, à proximité d’une propriété habitée par un riche agriculteur, et qui se nommait Beautaillis…

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Tout le temps qu’avait duré les révélations de la bohémienne, le silence, dans la vaste salle, n’avait été troublé que par le bruit des sanglots de Fernand, qui écoutait, plus mort que vif, le récit de cette terrible histoire. Mais quand la Zanetta eut prononcé le nom de cette propriété de Beautaillis, Raymonde Dubreuil s’évanouit en poussant une plainte douloureuse. Son père, les yeux hagards, avait passé son bras autour du cou de Marcelle,