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Tout se passa comme nous l’avions prévu : nous fîmes un riche butin de tout ce qu’on avait placé pour la circonstance dans le petit pavillon, et nous ne fûmes pas inquiétés. Cependant, comme on organisait le retour au camp, la curiosité me poussa à m’aventurer dans le parc : dans l’obscurité, je heurtai du pied la racine d’un gros arbre, je tombai, le crâne contre l’angle d’une pierre… et je m’évanouis.

Quand je revins à moi, je me trouvais étendue sur un lit bien douillet, dans une chambre du château. Tandis que la fête battait son plein, le propriétaire s’était esquivé pour aller inspecter l’aménagement du pavillon : il l’avait trouvé dévalisé, avait donné l’éveil aux domestiques et fait organiser des recherches ; mais mes parents étaient loin, et l’on n’avait découvert que moi, étendue sans connaissance.

Le maître m’interrogea avec bonté et obtint de ma candeur, à force de promesses, les aveux les plus complets et les plus circonstanciés. Et comme je pleurais à chaudes larmes, demandant grâce pour les miens :

— Pauvre petite, me dit-il, va ! il ne leur sera rien fait…

Touchée de cette indulgence, je m’attachai aussitôt à cet homme bon et généreux. Je lui exposai quelle triste existence était la mienne, les mauvais traitements auxquels j’étais en butte au camp, et je lui demandai la grâce de pouvoir demeurer auprès de lui, promettant de le servir avec fidélité.

Je restai vingt ans au service de M. Darcier — c’est le nom de mon maître — qui mourut en 1874,