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Fernand se troublait de plus en plus, obsédé de l’idée qu’un nouveau malheur allait surgir et s’abatte sur lui. Il sut gré au président de donner un dérivât à la curiosité dont il se sentait l’objet, quand celui-ci pria le défenseur de reprendre sa plaidoierie.

Mais comme Me Meunier recommençait sa phrase, la Zanetta tout à coup se leva et l’interrompit.

— Il est inutile, Monsieur le président, dit-elle en se tournant vers la Cour, de prolonger davantage la tâche que s’est imposée mon généreux défenseur. J’ai tout avoué et je veux être jugée avec la rigueur que je mérite. Mais auparavant je demande à faire des révélations…

Me Meunier se rassit, stupéfait. L’émotion, dans le public, était à son comble : décidément, cette affaire allait prendre rang parmi les causes célèbres. Tout le monde attendait, haletant. La Cour se consultait, se demandant s’il ne siérait pas d’ajourner l’affaire. Mais comme on ne savait ce que l’accusée allait dire, et la décision à prendre dépendant des révélations qu’elle demandait à faire, on prit le parti de l’entendre.

— Je ne me fais aucune illusion sur le sort qui m’attend, dit la Zanetta. Je sais qu’en punition de mon forfait, vos lois vont me ravir la liberté. C’était le seul bien que je possédais : j’aurai donc tout perdu, je ne puis plus rien perdre. Dès lors, je veux m’accorder la consolation de faire taire en moi le seul remords que j’aie eu de ma vie : remords poignant et cruel qui m’a fait bien souffrir !

Vers l’année 1855 — j’avais alors tout près d’une dizaine d’années — la tribu des bohémiens dont mon père était le chef et dont ma famille, frères et sœurs, composait la grande partie, venait de