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des débats avait été d’une insolence inouïe. Autant d’obstacles à la naissance du sentiment d’indulgence sur lequel comptait le défenseur…

— Messieurs de la Cour ! glapit tout à coup un huissier.

Les juges défilèrent dans leur sombre costume noir aux manches relevées d’hermine, le bonnet en tête ceint d’un large galon d’or. Quand ils eurent pris place devant la table au grand tapis vert, le président fit introduire l’accusée.

C’était une femme de haute stature, vêtue d’un costume étrange taillé dans des morceaux d’étoffes disparates. Laide, le front pourtant encadré des deux épais bandeaux d’une chevelure absolument noire, l’œil grand et noir aussi, profondément enchâssé dans l’arcade sourcillière, elle causait dès l’abord une impression d’effroi. Elle eût paru jeune encore, dans le cachet d’énergique méchanceté dont toute sa personne était empreinte, si de profondes rides, creusées dans la chair de ses joues, n’avaient accusé le nombre de ses années. Elle avait dépassé la quarantaine.

Quand elle fut entrée dans le banc d’infamie et que les quatre gendarmes, qui l’escortaient la baïonnette au clair, se furent installés, la Zanetta couvrit l’assemblée d’un regard circulaire d’où semblait jaillir une étincelle de haine.

Lorsque Fernand Darcier la vit, la face tournée dans la direction de la place qu’il occupait aux côtés de M. Dubreuil, un trouble étrange et pénible s’empara de lui soudainement. Il avait vu cette femme déjà, mais il ne savait où, avant de la voir ici. Et ce n’était point le souvenir vague et confus d’une physionomie rencontrée au hasard d’une course