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chant, dont le faisceau énorme la remplissait d’un flot d’or pourpre. Attirée par le charme puissant de ce joyeux mirage, la foule qui inondait la rue s’écoulait lentement, comme recueillie, cessant les cris aigus qui perçaient tantôt d’une note stridente le long bourdonnement des conversations.

M. Dubreuil avançait doucement, appuyé au bras de Raymonde. Chaque incident survenant dans la foule, chaque nouveauté exposée provoquait un léger temps d’arrêt, pendant lequel il donnait des explications complaisantes à Marcelle. Là-bas, c’était un mitron passant dans la foule avec, en équilibre sur la tête, une large galette d’osier qu’une femme avait accrochée ; on se disait des injures qu’un groupe de dilettanti écoutait curieusement. Ici, c’était un cocher maladroit qui tempêtait contre les piétons : au coin de la rue Montmartre il avait renversé un vieil ouvrier qu’on avait dû transporter dans une pharmacie et avait tâché de s’esquiver avec sa voiture avant qu’on eût pris son numéro : mais un gardien de la paix l’avait reconnu, avait téléphoné à la grande station du boulevard et venait ainsi, sans se déranger, de le faire pincer au passage. Des rassemblements se formaient, des groupes de badauds s’arrêtaient, fichés comme des poteaux devant une affiche drôle, des files d’hommes-sandwichs s’attardaient, promenant sous les yeux du public la cage de bois où ils étaient emprisonnés.

M. Dubreuil tourna tout à coup dans la rue Drouot : avant de rentrer, on aurait encore le temps de passer par le Figaro et d’aller voir les curiosités étalées dans la salle des dépêches. Mais on n’y vit rien de fort intéressant : les photographies