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parlait en toute liberté, le doute n’était pas possible. Alors Fernand se sentit pris de la folle envie d’aller à Luxembourg, et de se donner encore à lui-même le douloureux spectacle de voir celle qu’il aimait, appuyée au bras d’un autre. Qu’y gagnerait-il ? Rien, sans doute ; peut-être aussi cela l’aiderait-il à se guérir !…

Il dîna peu et partit au tramway de midi. Il ne connaissait âme qui vive à Luxembourg ; mais enfin, quoique capitale, la ville n’était pas assez grande pour qu’il fût possible à des étrangers de ne pas s’y rencontrer. Il flânerait par les rues et laisserait le hasard tout conduire.

En quittant la gare, il fut d’abord distrait de ses tristes pensées. C’était la première fois qu’il voyait la ville, où il ne s’était pas arrêté lors de son arrivée : et le spectacle grandiose qui se déroulait sous ses yeux le tenait sous le charme. Il était arrivé sur le grand viaduc, dont les arches incroyablement hardies paraissent l’œuvre de quelques titans, et qui est comme un trait d’union gigantesque, reliant le faubourg et la ville.

À droite, une sorte de lande monstrueuse où croissent des bruyères sauvages et des essences résineuses dans un terrain d’aspect abrupte, produit un curieux effet au milieu des coquetteries qui l’entourent. Le versant qui la termine du côté de la Pétrusse est planté d’un joli square que traverse, dans une tranchée profonde, la ligne du chemin de fer venant d’Allemagne.

À gauche se profile une galerie ajourée, une balustrade à fuseaux qui se déroule dans un lointain vaporeux. Les lignes ne sont pas rigides, elles procèdent par angles saillants et rentrants, suivant