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aussi, puisqu’il faudrait affliger ce pauvre Fernand, le décourager en affectant de l’indifférence, de l’insensibilité. Mentir !…

Oui, ce serait très dur. Mais Raymonde était de bon sens et elle avait l’intention trop fine pour ne pas avoir démêlé dans la vivacité de M. Dubreuil le sentiment de tendre et jalouse affection dont elle était issue. L’honnête enfant ne pouvait se résigner à troubler le calme si parfait jusqu’alors de cette affection paternelle. Eh bien ! elle ne se marierait pas, voilà tout !

Mais en prononçant ce dernier mot, elle avait le cœur si gros, que laisser couler ses pleurs librement sur son visage pâli par les agitations de son sommeil lui valait du soulagement. Et elle pleurait de tout son cœur.

Si bien qu’en descendant au salon, où déjà quelques baigneurs se trouvaient, prêts à partir pour la source, elle avait les paupières rougies, les traits tirés. On le remarqua, et un ami, en la saluant, lui en fit l’observation. Et elle, qui, forte de sa résolution de dévouement et d’abnégation, s’en croyait quitte, repensa, nécessairement, à ce qui causait l’altération de son visage, à tout ce qui l’avait causée, à Fernand aussi… Fernand !… Elle en vint à s’interdire de penser à lui, de prononcer son nom mentalement. À quoi bon ? À rien de bon, sans doute, puisqu’elle était fermement résolue à se sacrifier au repos de son père. Le mieux, se disait-elle, eût été de le supprimer de son souvenir, d’en agir absolument comme s’il n’existait pas, comme elle agissait naguère avant de l’avoir rencontré dans ce compartiment du chemin de fer. C’était facile à dire, mais ce serait plus difficile à faire : étant tous