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Eh quoi ! cet homme qu’il croyait si redoutable, dont la seule vue, depuis deux mois, lui inspirait un incompréhensible mais instinctif sentiment de frayeur, c’était ce même homme aux façons aimables et bon enfant qui venait de lui parler ! C’était donc la maladie qui l’avait rendu fou pendant si longtemps, qui avait perverti à ce point son jugement ? Il le sentait bien, maintenant : le père de cette bonne et charitable Raymonde ne pouvait être le monstre qu’il avait imaginé, et devant lequel il avait tant de fois tremblé.

Sans qu’il s’en fût aperçu, une vive rougeur, due sans doute au profond sentiment de bonheur qui l’avait subitement envahi, lui était montée au visage. Son front rayonnait, son œil brillait d’un éclat si inaccoutumé, que Raymonde, qui l’avait regardé, tout en passant une serviette sous le menton de Marcelle, tandis que son père parlait au jeune homme, s’en aperçut depuis le haut bout de la table où elle était assise et s’en effraya presque. En entendant M. Dubreuil se dépenser en frais de politesse vis-à-vis du malade, qu’il avait habitué à recevoir de lui le plus froid accueil, la jeune fille avait mis cette amabilité sur le compte du plaisir que lui avait causé l’annonce de la promenade souhaitée. Maintenant, elle ne savait plus. Peut-être M. Petit avait-il parlé enfin…

Le déjeuner s’acheva vivement : sa course matinale avait donné de l’appétit à Marcelle, qui ne bavarda pas trop, si bien qu’on achevait la desserte quand M. Pauley entra dans la salle à manger. Saluant à la ronde, il s’empressa vers M. Dubreuil, qui s’était levé et lui disait combien il se promettait de plaisir.