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de jardin, le regard perdu comme dans un rêve. Cette idée d’une visite aux colonies ne l’avait attirée d’abord que par son côté séduisant. Puis, petit à petit, pendant que Monsieur Pauley lui racontait les tracasseries que l’ignorance avait suscitées pour en empêcher le succès, elle s’était préoccupée tout à coup du but si vraiment et si intelligemment charitable de l’œuvre dont il venait de lui parler. Elle songeait aux enfants dont on fortifiait la santé, tout en préservant leur esprit et leur cœur des dangers de l’oisiveté, et aux braves institutrices qui acceptaient de sacrifier leur repos, si bien gagné pourtant, à la tâche difficile de la surveillance de leurs pensionnaires.

Et elle se comparait à elles. Sa mission n’était-elle pas semblable ? Elle aussi avait sacrifié son repos à veiller sur Marcelle, sa pauvre petite malade, et à l’entourer des soins les plus délicats. Certes, elle ne faillirait pas à ce devoir sacré et resterait la mère de l’orpheline…

Comme elle songeait ainsi, absorbée, la voix de l’enfant l’appelant d’un long cri joyeux la tira tout à coup de sa rêverie.

Alors seulement elle vit qu’elle était demeurée seule : M. Pauley, qui avait aperçu le régisseur et qui avait un ordre à lui donner, l’avait quittée en lui disant un mot d’excuse qu’elle avait entendu sans le comprendre.

— Raymonde ! Oh ! la vilaine, qui est partie sans embrasser sa petite sœur ! Dites-lui tout de suite un gentil bonjour, si vous voulez qu’on vous pardonne…

Et Marcelle, grimpée sur la chaise, entourait de ses bras le cou de sa grande sœur. Elle lui racon-