Page:Moressée - Un mariage à Mondorf, 1887.djvu/145

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 141 —

die d’abord et les rêveries que vous savez, ensuite, qui ont amené la mélancolie dont j’appréhende tant les pernicieux effets. Voyons, vous êtes assez homme pour qu’on puisse vous parler sans détour : eh bien, vous avez ébauché une amourette sans issue possible. Ne vous laissez plus aller à ces enfantillages, regardez l’avenir en face et soyez courageux !…

Fernand s’était laissé tomber sur une causeuse et demeurait comme pétrifié, tandis que de grosses larmes roulaient de ses yeux le long de son visage. Que le docteur, d’ordinaire si bon et si compatissant, fût aujourd’hui assez cruel pour briser net des espérances si chèrement caressées, ah ! c’était le dernier coup ! Il n’y avait plus d’amitié possible en ce monde, alors, ni de confiance à mettre en personne !

M. Petit comprit ce qui se passait dans l’esprit du jeune homme et regretta le mouvement de franchise qui l’avait fait tantôt parler. Il se représenta qu’il avait eu tort, peut-être, de traiter aussi légèrement qu’il venait de le faire le sentiment dont le malade lui avait fait la confidence. Si ce sentiment était un véritable amour, quelle puissance serait capable de l’extirper du cœur de Darcier ? Pas celle d’un raisonnement, certes, quelle qu’en pût être la logique et le bien-fondé : on ne raisonne pas avec l’amour.

Alors, il ne restait qu’à s’incliner devant le fait accompli, et accepter comme un mal nécessaire la situation à laquelle il n’était pas possible d’obvier efficacement.

— Mon pauvre ami, dit le docteur en prenant les mains de Fernand, je viens de vous faire une grande peine, n’est-il pas vrai ? Pardonnez-le moi.