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arbres et des buissons de ñires, et nous nous estimons heureux de les trouver aussi épais, car plus d’une fois ils nous soutiennent au-dessus des précipices qui se cachent sur le versant. Une fois sur le versant sud, nous avons devant nous le vaste panorama de la plaine glaciaire que j’étais désireux de connaître depuis tant d’années, mais la nuit avance, et nous devons camper, sans atteindre notre troupe, mouillés jusqu’aux os. Nous trouvons une compensation à ces désagréments dans le savoureux filet de huemul, et dans l’agréable perspective du lendemain, car elle devait, une fois de plus, confirmer mon opinion relativement à l’existence de grandes dépressions continentales transversales, antérieures à la période glaciaire, qui mettaient en communication l’Atlantique avec le Pacifique, et dans lesquelles s’est formé le curieux divortium aquarum.

Notre troupe avait pris depuis le Carrenleufu un autre chemin, et ce n’est que le lendemain à midi que nous la rejoignîmes à l’origine d’un des ruisseaux qui forment plus à l’ouest la rivière Pico (840 m.).

M. Serrano Montaner dit dans son opuscule intitulé : Límites con la República Argentina, publié en 1895 : « Il n’existe pas un seul fleuve tributaire du Pacifique qui ait son origine à l’est des Andes, il n’y a pas davantage un seul tributaire de l’Atlantique dont les sources se trouvent à l’ouest de cette Cordillère. Il peut arriver, et il arrive effectivement, qu’il y ait des fleuves du Pacifique dont les sources se trouvent dans les chaînons orientaux des Andes, mais toujours dans ces mêmes Cordillères ; de même il existe des fleuves argentins, tributaires de l’Atlantique, qui naissent à une portée de canon des côtes du Pacifique, mais sans sortir non plus des limites de ces montagnes. Nous pourrions signaler une à une les sources de tous les cours d’eau argentins ou chiliens, et nous n’en trouverions pas un seul qui fasse exception aux règles que nous avons établies. »

Ce sont, sans doute, des informations erronées qui ont été données au distingué marin chilien, dont les explorations, d’après ce que je crois, ne se référent qu’aux environs des canaux voisins du 52° de latitude, et à la reconnaissance de la moitié inférieure du cours du rio Palena, et de quelques parties des rios Corcovado et Reñihué ; il n’a donc pas atteint personnellement les sources d’aucun de ces fleuves. Je ne doute pas que s’il eut examiné les points que j’ai visités au cours de mon voyage, il n’aurait pas fait cette affirmation qui a si fortement contribué à aigrir les controverses dans l’ardente discussion publique suscitée au sujet de la démarcation des