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sont chiliennes ou argentines, parce qu’elles coulent dans telle ou telle direction, mais je puis affirmer que M. Stange commet une erreur dans ce paragraphe, résultat sans doute des observations trop hâtives auxquelles il fut contraint par son voyage précipité. Les eaux qui descendent à l’est et à l’ouest ont leurs sources à l’est et au nord de ces montagnes dans la plaine ; il n’y a pas là non plus de chaîne qui aille de l’ouest au sud-est, comme le dit le même voyageur. Puisque cette erreur se répète sur la carte dessinée par M. Fischer, sur laquelle sont consignés les résultats de l’exploration, et qui est absolument défectueuse, je ne dois pas aller plus loin sans signaler ce fait à l’attention, car de telles erreurs contribuent à fausser le jugement de ceux qui se préoccupent de l’orographie de la région australe de ce continent.

Si une crue anormale, qui peut se produire un hiver quelconque, augmentait le volume des eaux de la plaine d’Esguel, le divortium aquarum interocéanique s’éloignerait à l’orient du point où il s’opère maintenant et ne serait plus formé par les monts d’Esguel ni par la plaine. Dans ce cas, le plateau oriental deviendrait, suivant les théories de MM. Steffen, Fischer et Stange, « l’enchaînement de la Cordillère qui divise les eaux », pendant une saison de l’année, tandis que le reste du temps cet « enchaînement » se trouverait dans la plaine.

Par ici passe le chemin carrossable qui met la capitale du Territoire du Chubut en communication avec la Vallée 16 de Octubre dont nous nous rapprochons. Les blocs erratiques sont de grandes dimensions, et un grand nombre, formés principalement par du granit blanchâtre, ont un volume de cent mètres cubes. La roche des sommets au sud-ouest est porphyrique, pareille à celle que j’ai observée sur le Limay.

Après avoir dépassé la gorge, et poursuivant notre marche au sud, nous dressons nos tentes près des ranchos du chef indigène Nahuelpan, dans un très beau pré, parage que j’avais déjà parcouru en 1880. La moraine qui limite la vallée d’Esguel au sud à 770 mètres au-dessus de la mer ; et à l’endroit où nous la traversons naît l’affluent nord du fleuve Corintos. Le jour suivant, nous passons par la superbe gorge peuplée par les colons de la vallée 16 de Octubre, d’une fertilité exubérante. Le massif de l’ouest, appelé Cerro Plomo ou Nahuelpan, d’origine volcanique et le Cerro Thomas (1650 m.), de même constitution géologique, forment un digne portique à la grande vallée que le gouverneur Fontana a baptisé de la date de la loi qui créa les territoires nationaux. Cette terre est assurément