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qui s’est passé alors, je déclare qu’il n’y eut aucune raison d’anéantir les indiens qui habitaient au sud du lac Nahuel-Huapi ; je puis dire que si l’on eut procédé avec clémence, ces indiens auraient été nos grands auxiliaires pour la colonisation de la Patagonie, comme le sont aujourd’hui les restes errants de ces tribus, journellement délogés par les placeurs de « certificats » avec lesquels on récompensa leur destruction. Il y avait plus d’habitants dans les tolderias indigènes soumises aux caciques Inacayal et Foyel qu’aujourd’hui dans la région andine du Chubut, malgré les vastes zones sollicitées et concédées à la colonisation.

Le Rio Maiten naît à vingt-cinq kilomètres au nord de Apichig, prés du point où prennent leurs sources le Curruleufu, affluent du Limay, et le Manso, affluent du Puelo ; il reçoit dans ce parcours les eaux d’un chaînon montagneux qui, à l’orient, limite la belle vallée longitudinale, vallée intermédiaire entre la zone montagneuse des Andes proprement dites et ce chainon dont la plus grande altitude est de 1910 mètres, et qui s’interrompt à l’ouest d’Apichig, pour donner issue aux eaux du Rio Maiten, lesquelles descendent des coteaux larges et peu élevés (800 m.) qui séparent les eaux de la vallée du Puelo et celles du Maiten. Ces coteaux sont de 160 mètres moins hauts que le col d’Apichig.

Nous déjeûnons au pied de la haute muraille volcanique, en face des cavernes où, suivant les vieux indigènes, hurle continuellement un chien qu’ils n’ont jamais vu, et où, par suite de leur décomposition, les roches affectent des formes capricieuses ; la plus remarquable est un bloc qui ressemble au buste de Louis XIV, incrusté dans une niche de roche rougeâtre. Quand vint la nuit, nous campâmes prés du lieu où mon bon compagnon Utrac établit sa tolderia, et où Hernandez et moi fûmes empoisonnés par une de ses femmes[1]. Il va sans dire qu’il n’existe plus un seul toldo ; une pauvre hutte (rancho) abrite quelques indiens qui soignent les bestiaux de la Compagnie anglaise des terres du Sud.

Dans ce parage, près de Caquel-Huincul, ainsi appelé en raison d’une élévation d’origine volcanique recouverte par des détritus glaciaires que croise la vallée longitudinale, le fleuve Maiten a trente mètres de large dans son bras principal, avec une profondeur de deux mètres en mars ; il coule au pied de la muraille volcanique orientale, tandis que la vallée s^étend à

  1. Recuerdos de viage en Patagonia, Montevideo 1882.