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Le lendemain, nous trouvons un sentier indien entre la forêt et les montagnes ; les arbres sont si épais que le cheval ne peut passer, et d’autres fois nous marchons sous d’obscures galeries végétales.

Nous arrivons ainsi à une rivière qui descend du sud-sud-ouest, et près d’un champ de blé, propriété de l’araucan chilien Colomilla, limité par des terres couvertes de tourbe qui, étant inondées ainsi qu’une partie de la forêt, nous empêchent de marcher à l’ouest.

Nous campons aux bords de la rivière, sous un coihué touffu entouré de bambous dont les indiens font des lances. En face, nous avons la presqu’île San Pedro que Cox prit pour une île, où le père Melendez, je crois, arriva au siècle passé, et devant elle, au nord, trois îles. La presqu’île va de l’ouest-sud-ouest à l’est-nord-est avec des indentations capricieuses entourant une grande baie qui en temps d’étiage se transforme, me parait-il, en lagune. Sa pointe orientale avance couverte de bois, formant de profondes indentations qui lui donnent l’aspect d’une gigantesque étoile de mer vert-obscure. À l’arrière-plan s’allonge le fjörd profond par où descendit, du col Perez Rosales, l’explorateur Cox, et le beau Mont Lopez dominant le tout de ses neiges blanches et de ses vertes forêts, à moitié détruites à leur base par un incendie récent.

Je laissai mes gens dans le campement et j’avançai avec un homme au sud-ouest à la recherche d’un passage. Le sol était très boisé et extrêmement friable, et les arbustes épineux très touffus, ce qui nous obligeait à entrer dans le torrent et à avancer ainsi péniblement, parfois presque à la nage. Heureusement, un peu plus loin, je découvris de petits prés situés au fond d’une vallée cachée derrière la montagne boisée et peu élevée qui limite de ce côté le lac, et qui précède un nouveau lac dont j’ignorais l’existence ; ce nouveau bassin lacustre présente une surface tranquille, encadrée par une nature des plus pittoresques, et s’interne vers le sud-ouest entre des hauteurs peu accentuées.

Vers l’est, je voyais une grande gorge par où l’on distinguait, au loin, le grand promontoire des cavernes situées prés du Limay. Les arbres arrivaient jusqu’à l’eau, et il nous fut impossible de marcher, un seul moment, sur le rivage. Au point où les eaux de ce lac s’écoulent par le torrent, je trouvai quantité de grandes pierres disposées par des hommes, dans l’intention d’empêcher la sortie rapide de l’eau, et profitant des petits canaux ainsi artificiellement créés pour la pêche ; et sur les