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qui font contraste avec le jaune des versants. Je gravis, un jour, ces rochers, et découvris quelques cavernes qui ont servi d’habitations humaines. Dans l’une d’elle, formée par deux pièces complétement obscures, j’ai creusé au hasard, et ai extrait un crâne huma¡n ; sur les murs des autres, il y avait des peintures et j’y découvris les mêmes objets de pierre et de bois que dans les cavernes du centre du territoire. L’aspérité du terrain démontre que les habitants des grottes avaient cherché là un refuge et peut-être était-ce le dernier domicile d’une tribu persécutée dans ces luttes pseudo-religieuses qu’engendre dans ces contrées l’exploitation des devins. Le promontoire est dominé par une montagne sur les flancs de laquelle on voit diverses couches de phonolithes, et à ses pieds se déroulent les trois baies qui précédent la sortie du Limay. C’est probablement la que la général Villegas fit déployer le drapeau national deux ans plus tard. Les eaux du lac forment, en sortant, des ondes violentes, et sur les bords il y a des pierres erratiques qui donnent naissance à de petits rapides, mais au centre il n’y a pas d’obstacle ; par là passa le canot de Cox.

Les eaux sont bleues, mais deviennent bleu-verdâtre à un coude brusque où elles se précipitent avec grand bruit ; elles se dirigent d’abord au sud-sud-est, puis au nord-nord-ouest ; sur ce dernier point, le Limay a soixante-quinze mètres de large et est bordé de collines glaciaires. Du fleuve, au nord, une série de collines plus ou moins élevées avec des pâturages et des massifs de bois limite le lac, et, à leur pied, on aperçoit une bande étroite de végétation touffue.

La rangée d’arbres de couleur vert-plomb s’étend le long des jolies baies, au milieu d’un paysage semblable à celui du lac de Genève du côté de la Savoie, jusqu’à un promontoire qui resserre le grand bassin. Vers l’ouest se détache de la rive une petite île boisée. Les collines sont dominées au nord par d’autres dont l’élévation augmente par des gradins recouverts, en partie, de bois et couronnés de laves anciennes qui paraissent des forteresses détruites. Les monts dévient vers l’ouest avec de nombreuses gorges, et à travers leurs ouvertures profondes, on en distingue d’autres plus élevés, jaunâtres, neigeux qui sont séparés des premiers par un bras du lac. Du campement, on parvient à voir des ondulations jaunâtres, vert-pâle et grises, qui s’élèvent comme de grands mamelons depuis le promontoire couvert de bois. L’ensemble offre un coup d’œil pittoresque, surtout vers le soir quand les ombres du jour, qui avancent, graduent les tons chauds et vifs du milieu de la journée, et,