Page:Moreno - Reconnaissance de la région andine, 1897.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 51 —

cation, mort en remplissant son devoir, et nous continuons notre route. La formation caractéristique de cette région se révélait dans les couches mises à nu des versants érodés des ravins : les laves basaltiques alternent avec les tufs qui recèlent une faune perdue des plus intéressantes, dont M. Roth a réuni plus tard un bon nombre de représentants ; le tout recouvert de débris glaciaires. Les laves proviennent des volcans du nord-est entre le Limay et le Collon-Cura, à l’ouest du massif granitique que borde le Limay dans cette direction. Dans le voisinage se trouve la pierre qui a donné le nom au parage et ce dernier au Rio Collon-Cura, « masque de pierre », environnée, lors de ma retraite de 1876, par les tolderias des frères Praillan et Llofquen. C’est sur ce point que je dus terminer ce voyage-là, arrêté par la tribu ivre et hostile.

Je ne voulus pas manquer de visiter le siège des conseils de guerre ou Aucantrahum, terminés pour toujours. J’y avais assisté deux fois, et la dernière dans de très mauvaises circonstances. Le grand cercle, débarrassé d’arbustes, tracé par les mille évolutions de la tactique indigène durant au moins un siècle dans ce lieu traditionnel, commençait à s’effacer, mais mes impressions étaient encore fraîches, et il me fut facile de remonter seize années en arrière. Mais les incertitudes ont passé, et mes prophéties, qui me servirent de cuirasse en ces moments pénibles où le plus prudent était de paraître brave et de faire bonne mine à mauvais jeu, se sont accomplies. Presque tous les vieux caciques qui m’entourèrent dans ce conseil ont disparu ; je crois qu’il ne survit que Shaihueque que j’espère rencontrer bientôt, loin de « ses champs », et « fixé » sur les lots que j’ai obtenus pour lui et ses tribus, près de Tecka, le « champ » du bon cacique Inacayal déjà décédé. Quemquemtreu, ainsi s’appelle l’endroit et la rivière voisine du plateau des « Conseils » sera, sans aucun doute, un centre de population une fois qu’on colonisera la vallée du Collon-Cura, et une station du chemin de fer qui doit passer par ici au Chili.

Tantôt côtoyant le fleuve, tantôt traversant les plateaux et les cañadones (vallées encaissées), sur les versants desquels on voit des blocs erratiques de grande dimension et d’épaisses couches de cailloux roulés, comme si ces fragments eussent été transportés par des glaces flottantes quand le plateau était un grand lac, nous arrivons à Caleufu.

Le Collon-Cura a rongé les masses de gneiss-granit qui paraissent former là la base des plateaux recouverts ensuite par des tufs et des roches néovolcaniques. La chaîne de l’orient,