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mune. Le lecteur ne s’étonnera pas de ce que souvent je revienne à la question pendante de nos limites avec le Chili, s’il se rappelle qu’elle a été ma constante préoccupation depuis vingt-cinq ans, et qu’une des causes de mon voyage est d’augmenter mes connaissances générales sur les Andes. La lagune Pilhué, située non loin de la borne, est d’une beauté tranquille indescriptible, dominée par les versants des collines couverts de bois touffus jusqu’aux sommets. À l’extrémité orientale se dresse une gerbe de remarquables colonnes andésitiques caractéristiques, qui augmente l’intérêt de ce paysage, aujourd’hui solitaire, mais qui sera un des grands attraits de la région quand le chemin de fer, actuellement en construction jusqu’à la jonction des rios Limay et Neuquen, arrivera à Temuco par la vallée transversale de Reigolil. Les gens fatigués de la vie kaléidoscopique de Buenos Aires chercheront dans ces paysages merveilleux d’infaillibles calmants si notre gouvernement se préoccupe de conserver ces « réserves » pour les convertir en « sanatorium » naturels, disposant la colonisation de ces terres fiscales de manière à préserver ces belles forêts de la destruction. Le Cerro Uriburu, manteau de lave noire tacheté de jaune, rouge et lie de vin, sur les bords du vieux cratère obstrué de scories, domine tout l’ensemble. Au nord se développent les belles gorges de Nompehuen et de Rumeco où mène le sentier qui conduit au volcan Llaimas.

Nous abandonnons cette vallée, et cheminant à travers le bois d’araucarias (planche VII, fig. 4) par des versants transversaux escarpés, recouverts de blocs erratiques, nous laissons à l’ouest la gorge de Coloco, au milieu de laquelle on a érigé une seconde borne-frontière, sur le col qui sépare les eaux du Pulmari de celles qui vont alimenter un des nombreux tributaires du Reigolil, et nous descendons la vallée du Rucachoroy, moins pittoresque, mais aussi fertile et exploitable que celle du Pulmari. Le temps nous manque de plus en plus, mais à mesure que nous avançons et que nous reconnaissons la région, elle éveille de plus en plus notre intérêt et augmente notre désir de la connaître en détail ; mais il nous est impossible de nous arrêter, car le programme est vaste, et je dois le remplir. Avant d’arriver au lac Rucachoroy, nous escaladons de nouveau le haut plateau granitique, aussi recouvert de roches volcaniques, et nous atteignons, à la nuit tombante, la belle vallée de Quillen, aux environs du lac de ce nom. J’espérais rencontrer sur ses rives le campement de la 4me sous-commission argentine, et j’y réussis le jour suivant. Il était établi à l’entrée du