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l’Argentine, selon les uns, tandis que pour les autres il était placé sous la juridiction chilienne. Cette incertitude n’a pas encore disparu, et ne disparaîtra pas, tant que les travaux de la délimitation des frontières n’atteindront pas jusque-là. Il ne nous suffit pas, aux uns et aux autres, de dire : Ceci est à nous pour que ce le soit ; ce ne sont pas des raisons, car elles ne sont pas fondées.

Le temps pressait, et nous nous dirigeâmes au sud, en nous partageant la tâche ; Hauthal avec Wolff suivraient la basse vallée de l’Aluminé jusqu’à celle de Chimehuin, tandis qu’avec Zwilgmeyer j’examinerais la zone ondulée qui précède la ligne de montagnes à l’ouest. La vallée ouverte formée par les tufs qui comblèrent l’ancienne vallée profonde et longitudinale s’incline doucement depuis l’Arco jusqu’à ce que des collines granitiques, au milieu desquelles la rivière a creusé un profond ravin, viennent la fermer. Le paysage est vraiment beau. Les araucarias se présentent d’abord en bosquets entourés de prairies ; puis la région devient abrupte, avec des éclaircies dans les larges cimes arrondies par les anciens glaciers, et le sentier décrit des lacets au milieu des troncs-colonnes des pins parmi lesquels se mêlent déjà de nombreux cyprès. Sur ce sentier, nous rencontrons, à chaque moment, des familles chiliennes qui émigrent, formant de singuliers groupes avec leurs troupeaux qui marchent lentement : vaches, chèvres, brebis conduits par un énorme bœuf qui mugit et proteste de ce voyage ridicule quand il traverse les zones sablonneuses et ne se tait que quand il rougit son mufle dans les fraisiers. Nous arrivons ainsi au sud du défilé, au vaste bassin du lac disparu, ancienne baie de la grande dépression lacustre dont j’ai parlé antérieurement, et dans laquelle brille comme de l’acier poli le Lac Aluminé. Nous escaladons la haute moraine qui le domine au nord-ouest à son débouché pour avoir une impression du paysage, et afin de pouvoir faire plus tard l’étude de ce bassin (planche VI).

Le lac parait se diviser en grandes baies et s’étend depuis l’ouest où je crois distinguer des étrécissures au pied des montagnes neigeuses du fond ; de petites îles boisées accidentent sa surface faiblement ridée par la brise. Parmi les blocs erratiques de la moraine prédominent le granit blanc, le rose, et les diorites, mais je n’observe ni andésites ni aucune autre roche volcanique. Cette moraine se trouve sur le plateau général, fond de l’ancienne cavité qui repose sur le granit que l’on aperçoit dans l’étrécissure observée un peu plus au sud du débou-