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dans la lave noire et rougeâtre. Les versants dénudés laissent apercevoir les grès et les argiles tertiaires recouverts par une couche glaciaire de trente mètres d’épaisseur et celle ci par le humus. Gravissant à nouveau ces versants, nous retrouvons le plateau toujours plus ondulé par l’érosion postérieure au dépôt glaciaire qui le recouvre. La marche à travers la forêt et les marécages fut pénible, mais bien compensée par le spectacle d’une si belle région. Le temps était menaçant ; il grêlait, et nous nous décidâmes à dresser nos tentes de bonne heure aux bords de la rivière Chalia pour donner un temps de repos aux vaillantes mules.

Le lendemain, peu après avoir avancé au sud-ouest, nous nous trouvons sur le plateau en face d’une nouvelle dépression transversale, beaucoup plus large que celle du rio Mayo, extrêmement pittoresque, par laquelle la vue pénétrait à l’occident à une grande distance dans la gorge, et de laquelle s’échappait dans cette direction, en traçant mille sinuosités, un fil d’argent, rivière paisible probablement. Le lieu où s’effectua notre descente coïncidait avec un autre cas de la division des eaux continentales : deux ruisseaux naissent des sources du versant nord du plateau dans une verte prairie inclinée au milieu de graviers glaciaires, se dirigeant l’un à l’orient, l’autre à l’occident (planche XXI, fig. 1). À peu de distance à l’est, se trouve la Laguna Blanca (640 m.), ainsi nommée par Steinfeld, à cause de la couleur de ses eaux, produite par son peu de profondeur et son lit de boue glaciaire. La lagune a son écoulement oriental déjà obstrué comme le lac de Coyet, mais, au printemps, à l’époque de la fonte des neiges, l’ancien lit, aujourd’hui à sec, donne généralement passage aux eaux jusqu’à une courte distance de la rivière Chalia. La rivière qui descend du versant du plateau à l’ouest (620 m.), ainsi qu’une autre qui prend sa source sur le versant opposé du plateau sud, tout prés d’une troisième qui se jette aussi dans la Laguna Blanca, forment les affluents les plus orientaux du bras sud du Rio Aysen.

Dans la plaine glaciaire, entre ces rivières, Nixon tua, dans une jonceraie, le puma de plus belle taille que j’aie vu en Patagonie, vieux carnassier qui venait de chasser un guanaco encore agonisant. Dans ce parage, la plaine est parsemée de centaines de blocs erratiques énormes (planche XXII). Les fragments que l’on voit disséminés aux alentours sont si volumineux que je ne puis affirmer si celui que je reproduis est le plus considérable. La partie de cette roche qui effleure de terre a six cents mètres cubes (planche XXIII).