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de mer) lui était posée à chaque instant. Il répondait tranquillement un « Non, merci » distrait, et reprenait le fil de sa pensée.

Il était midi, on venait d’annoncer officiellement l’heure solaire. Chacun réglait sa montre en conséquence, ainsi que cela se fait chaque jour, suivant que varie la latitude. Tout à coup une soutanelle, un col romain et un petit chapeau de paille noire et blanche se profilèrent dans la porte du fumoir, et Dolbret vit s’avancer vers lui le révérend Dean Polson. C’était un grand garçon, à l’air jeune malgré sa barbe grisonnante, aux épaules larges, à l’œil gris très vif. Sa ressemblance avec Morton, le racoleur, frappa Dolbret. « C’est lui », se dit-il, « nous allons avoir quelque chose de neuf. » Polson s’avança en souriant

— Pariez-vous sur la course du bateau, docteur, on vend les numéros un dollar seulement ?

Pierre rougit. Les passagers l’avaient vêtu des pieds à la tête, mais personne n’avait osé lui offrir de l’argent. Du reste il n’aurait pu accepter une faveur de ce genre.

— Non merci, monsieur, dit-il, je ne joue jamais.

— Mais ce n’est pas jouer. Tout de même je n’insiste pas ; monsieur n’est peut-être pas en fonds ?

— Non, monsieur, répondit Dolbret, piqué, je ne suis pas en fonds, et je ne m’attends pas non plus d’en recevoir de personne, pas même d’un capitaine norvégien.

Le Dean tressaillit à cette étrange sortie, et c’est d’une voix que son col romain semblait étrangler qu’il reprit :