Page:Morelles - Les diamants de Kruger, 1906.djvu/6

Cette page a été validée par deux contributeurs.

passait, tiraillant patiemment un mioche qui récalcitre. Dans le soir calme, la cloche de l’église voisine tintait encore une prière mal écoutée, perdue dans la clameur de la ville, comme ces suppliques craintives qui meurent avant d’arriver aux oreilles qu’elles cherchent.

L’immense bâtiment, si plein de mouvement toute la journée durant, était maintenant morne et désert. La figure familière du suisse galonné d’or se profila un instant sur le seuil ; d’un geste il fit claquer les vantaux. Une main les retint.

— Hé là ! vous, dit-il, on n’entre plus, il est six heures…

— Pardon, monsieur, je dois être ici à six heures mêmes aujourd’hui, il faut que j’entre.

— Impossible, à six heures tout le monde sort et personne n’entre plus, pas même le directeur en chef de la maison.

— C’est précisément lui qui m’a donné rendez-vous.

Lui ? mais cela ne se peut pas, il part ce soir pour l’Europe.

— C’est justement pour ça. Je sais parfaitement qu’il part ce soir, j’attends depuis deux semaines pour le voir, et voilà le premier jour qu’il met à ma disposition. Il faut absolument que je lui parle ; conduisez-moi chez lui.

Ces dernières paroles furent prononcées avec une sorte de violence factice, dernière ressource d’un espoir qui s’en va. Le suisse se laissa convaincre et les deux hommes, une fois les portes refermées, se mirent en marche.

— Suivez-moi, nous ne sommes pas rendus.