Page:Morelles - Les diamants de Kruger, 1906.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 52 —

— La brume est moins épaisse que tantôt.

— Eh ! bien, c’est tant mieux, nous l’avons eue juste assez pour faire notre affaire.

— Oui, c’est bien beau tout ça, mais aussi la brume s’en va parce que le vent la chasse, et le vent qui la chasse, ce n’est pas le vent de nord-est.

— Et alors ?

— Alors, si ce n’est pas le vent de nord-est, c’est le vent de nord.

— Tant mieux, nous aurons vent d’arrière.

— Non, tant pis, répondit P’tit-homme, tout sérieux.

— Tu radotes.

— Non, je ne radote pas. Je dis que c’est tant pis, si nous avons du vent de nord. Il y a un grain par là ; voyez-vous comme ça tourne ?

— Oui, mais ce ne sera rien.

— Peut-être. Dans tous les cas, moi, j’amène la voile et je prends les rames pour tenir la chaloupe.

Dolbret, connaissant la vieille expérience de P’tit-homme, n’insista pas. Du reste, il commençait à avoir des craintes, lui aussi. La manœuvre fut donc exécutée. Il n’était que temps ; à peine la petite voile venait-elle de tomber d’un seul coup, qu’une vague emporta la chaloupe à vingt brasses de là. Dolbret et son compagnon disparurent complètement dans l’onde noire et, un instant, chacun se demanda, de son côté, ce qu’était devenu l’autre.

— Tu connais ton affaire, mon P’tit-homme, je crois que ça se gâte.

Labbé ne disait pas un mot. Il avait lâché sa rame et se tenait immobile à l’avant, les pieds arc-boutés au fond de la chaloupe. Le vent venait de sau-