Morot passait. Apercevant Dolbret, il courut à lui en lui disant :
— Mon cher ami, tu es chanceux.
— Ne m’en parle pas.
— Quand je te dis que tu es chanceux…
— Morot, c’est mal à toi de me railler.
— Écoute-moi un instant. J’ai vu le commandant ; je lui ai dit que tu étais médecin et je lui ai conté ton histoire. Le commandant est un brave homme et si je lui avais parlé avant d’arriver à Rimouski, tu aurais eu une chance de débarquer ; mais maintenant, il est trop tard. Alors nous avons trouvé autre chose. Tu vas être employé comme médecin, pourvu que tu t’engages, une fois rendu en Afrique.
— Jamais.
— Mon cher, tu te montes la tête, c’est du patriotisme mal placé que tu fais là.
— Mal placé ou non, je ne m’engage pas, je veux m’en aller, d’une façon ou de l’autre.
— Mais c’est impossible, nous n’arrêtons pas avant les îles Saint-Vincent.
— Eh ! bien, je débarquerai aux îles Saint-Vincent, et voilà tout.
— Mais je t’en prie, mon cher ami, sois de meilleur compte. Tu ne gagneras rien à bouder ; au contraire, tu y perdras. Vois donc, si tu es employé comme médecin, tu seras bien traité, comme les officiers, et tu n’auras presque rien à faire.
— C’est inutile, Morot, je te remercie de ton intervention et je te demande en grâce de ne pas aller plus loin ; ce serait peine perdue. Excuse-moi, je vois P’tit-homme qui m’appelle, il faut que je lui réponde.