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— Mais, mon cher monsieur, vous ne sauriez marcher, vous titubez comme si vous aviez pris du laudanum.

Ce mot frappa Dolbret. Ce qu’il avait bu à bord du « Stanley » avait un goût étrange. La vérité lui apparut tout à coup : on lui avait versé un narcotique pour le traîner à bord du « Sardinian » ! Ah ! c’était ça, la fameuse presse. Il comprenait maintenant ces avertissements qui lui étaient venus de toutes parts, la veille. Il commençait à s’expliquer ces exclamations sur son passage : « La Presse », on vous presse. » Il se rappelait avoir, lui aussi, entendu dire, quelque temps auparavant, qu’à Londres, on ne trouvait pas assez nombreux les Canadiens-français qui prenaient du service. Puis il se ressouvint d’avoir entendu parler du sergent recruteur de Londres, qui court les places publiques pour raccoler des soldats en les faisant boire. Évidemment le même truc avait été employé à Québec. Son premier mouvement fut l’indignation. Il irait se plaindre au capitaine, demander justice. Mais les forces lui avaient manqué. Puis en y pensant, toute réclamation serait inutile ; le bateau était en marche, pour aucun prétexte on ne le stopperait, surtout pour débarquer un passager si précieux. Du reste il avait peut-être, sans le savoir, signé un engagement. Cette idée le remplit de tristesse. Aller se battre contre les Boers c’était la dernière chose à laquelle il aurait songé.

Il se faisait un grand mouvement sur le bateau. On entendait des commandements, des pas cadencés. Et le bruit monotone des machines met-