Page:Morelles - Les diamants de Kruger, 1906.djvu/304

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 302 —

Secouant sa tristesse, Dolbret reprit :

— En somme, savez-vous une chose, mon cher Anton, c’est que ce n’est pas Roberts qui a gagné la bataille de Paardeberg, ni le bataillon canadien, ni même la « peste, » comme disait mon pauvre P’tit-homme, mais que c’est moi.

— Vous ?

— Oui, moi, tout simplement, ou la maison Pâquet, puisque c’est elle qui m’a envoyé en mission.

— Je ne vois pas trop, je vous l’avoue.

— Voici. Les Canadiens et les Gordons se sont portés en avant. Parmi ces hommes-là, il y avait les six Tommies à qui j’avais volé chacun un morceau de kaki. Pour les punir de s’être laissés dépouiller, on les a forcés à aller au feu sans mettre de pièce à leur pantalon, et ils ont tellement eu peur d’être vus de derrière par les Boers, qu’ils se sont avancés comme des braves jusqu’à quelques pieds seulement des retranchements.

— Vous blaguerez toujours, Pierre.

— Je ne blague pas, c’est le colonel Thompson en personne qui me l’a dit hier. Même il est venu me voir pour me remercier de lui avoir rendu ce service. L’histoire de l’interprète cafre l’a ravi. Je vais vous dire le secret de mon succès : J’ai de l’argent ! Cecil Rhodes sait déjà que j’ai des diamants, il m’a fait interviewer par un marchand.

— Et qu’est-ce que vous avez dit ?

— J’ai dit que je les gardais pour ma femme. Vous comprenez que c’est du « bluff ».

— Je l’espère, car je compte bien en offrir ma part à votre femme, comme cadeau de noces.

Dolbret rougit. C’était la première fois qu’il songeait à la part de Wigelius.

— Non, Anton, dit-il en lui serrant la main, gardez-les à cause de moi.