— Je crois bien, répondit le Tommy, je suis d’Halifax. Pourquoi cette question ?
— Bien, je ne sais pas trop.
— C’est pour dire quelque chose ?
— Vous l’avez, c’est pour dire quelque chose.
— Et encore ?
— Bien, vous savez, je voudrais écrire à la maison Pâquet,
— Pourquoi, dit le soldat en riant ?
— Pour qu’on intercède en ma faveur auprès du colonel.
— Ça prendrait du temps, trop de temps.
— Vous croyez que je n’ai pas de chance ?
— Je ne dis pas ça.
— Vous ne dites pas ça, mais vous le pensez, n’est-ce pas ?
— Non, je ne dis pas ça.
— Cependant, selon vous, la tête me branle sur les épaules ?
— En temps de guerre, on n’a jamais la tête solide sur les épaules.
— Oui, mais moi, je ne suis pas soldat ; la guerre, je n’ai rien à y voir.
— Vous avez peur de mourir ?
— Non, pas trop.
— La voix vous tremble.
En effet, Pierre balbutiait plutôt qu’il ne parlait ; mais ce n’était pas la peur qui était la cause de cette émotion, c’était au contraire la joie, — une joie mêlée d’inquiétude, qui l’avait transformé tout à coup. En mettant la main à la poche de son gilet, il avait palpé quelque chose d’insolite et il lui était venu une idée, il s’était rattaché à une espérance ; pourvu que Zéméhul ne se décourageât pas,