— Y a-t-il quelqu’un ici qui sache quelques mots de cafre ? demanda le colonel.
Personne ne répondit. L’officier qui avait émis des doutes sur les capacités linguistiques de Pierre reprit :
— Il y a un moyen bien simple de s’en assurer : demandez-lui de répéter ce qu’il vient de dire. La phrase était assez compliquée, s’il a voulu tromper, il nous sera facile de nous en apercevoir.
« Hum ! pensa notre héros, tenons-nous bien. Ah ! si, au lieu de perdre mon temps à ne pas apprendre le grec, j’avais pris quelques leçons de cafre ! » Mais il y allait de la vie, Pierre prit son courage à deux mains et répéta toute la phrase, où il eut le soin d’intercaler, comme la première fois, le mot Québec, et le mot — si l’on peut appeler cela un mot — ashishi, à la fin.
Personne ne bougeait. Dans une attitude de méditation, le colonel Thompson promenait de l’officier à Pierre un regard inquisiteur.
— Mais enfin, dit-il, après un moment, n’y a-t-il pas une personne ici qui ait seulement entendu parler cafre ? s’il y en a une, quelle le dise.
— Mon colonel, dit un officier qui se trouvait parmi les témoins, j’en sais quelques mots.
— Parlez, lieutenant Verner, dit l’officier.
— Mon colonel, je ne sais pas le cafre, mais j’en comprends quelques mots, et j’ai parfaitement remarqué, à la fin de la phrase prononcée par le prisonnier, le mot ashi.
— Et ce mot veut dire ?
— J’ai entendu les mères cafres s’en servir, et je crois en savoir le sens.