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— Non, je pars tout de suite. D’abord, je me dois au salut de John Mortimer, j’en ai pris l’engagement ; de plus, je me dois à moi-même de conquérir les diamants de Halscopje, pour devenir digne de vous.

Sa voix avait un accent si décidé et sa figure, que la vie nouvelle avait rendue plus énergique, sous le bronze qu’y avait posé le soleil, accusait une telle volonté, un désir si inébranlable, que Berthe n’osa pas discuter. Elle souffrait à l’idée qu’il partirait, que sa vie serait menacée, qu’il endurerait les fatigues, la misère, qu’il serait loin d’elle ; mais elle se laissait maintenant prendre au charme de l’imprévu et tous les motifs de son cœur et de sa raison s’évanouissaient petit à petit, à mesure que s’ajoutait un épisode à cette aventure qui prenait les proportions d’un roman. De son côté, malgré la douleur de la séparation, Pierre était impatient de partir, il n’avait pas encore assez fait, à son gré, pour les Mortimer ; en gentilhomme, il trouvait qu’ils lui donnaient trop, qu’ils promettaient trop pour ce que lui, sans fortune et sans avenir, pourrait tenir peut-être. Et ce cloître désert et terne augmentait encore sa tristesse ; il lui semblait que le christ qui pendait là, ensanglanté, lui eut pris déjà l’âme, sinon le cœur de sa fiancée, et en touchant sa main, il avait peur de voler quelque chose à quelqu’un. Il se leva en lui disant :

— Ne partez pas d’ici sans un mot de ma part, c’est plus prudent. Adieu et aimez-moi.

Comme il tournait le coin de la rue Brighton, un autre rickshaw arrivait à la porte du couvent. Horner en descendit et se présenta au guichet :